L’arrestation de femmes et de filles palestiniennes
Depuis le début de l’occupation en 1967, plus de 10 000 Palestiniennes ont été arrêtées et détenues par les forces d’occupation israéliennes. L’an passé, tout comme les années précédentes, des femmes et des filles palestiniennes sont régulièrement arrêtées dans les rues, les checkpoints militaires et à l’occasion de violents raids la nuit, dans leurs maisons. Ces incursions militaires s’accompagnent de la présence de soldats israéliens, d’agents du renseignement et de chiens de police, au cours desquelles des destructions et dommages matériels ont lieu. On les menotte, on leur bande les yeux et elles sont emmenées de force dans une jeep militaire. Les femmes continuent de subir des actes de torture et des mauvais traitements dans les centres d’interrogation, en plus de conditions de détention difficiles, toujours pires dans la prison de Damon, qui faisait office d’écurie et de lieu de stockage pour le tabac.
Quelques cas d’arrestations l’an dernier incluaient, sans s’y limiter, des défenseuses des droits humains telles que Khalida Jarar et Widad Barghouthi. L’ancienne membre du Conseil législatif palestinien Khalida Jarar a été arrêtée le 31 octobre 2019. Des soldats ont fait irruption chez elle à environ trois heures du matin pour l’arrêter. Il s’agit de sa troisième arrestation en cinq ans. Elle avait été relâchée en février 2019.
Widad Barghouti est maîtresse de conférences à l’université de Birzeit. Elle a été arrêtée le 1er septembre 2019 et la liste des charges retenues contre elle concernent principalement des incitations via Facebook. De plus, Widad a été emmenée au centre d’interrogation al-Moscobiya durant sa période de détention dans le but d’exercer une pression sur son fils Qassam Barghouti qui était interrogé au même moment. Widad a bénéficié d’une libération conditionnelle le 16 septembre 2019, accompagnée du versement d’une caution de 40 000 shekels et d’une assignation à résidence en zone C en Cisjordanie.
Viser des étudiantes à l’université
L’année dernière, les forces d’occupation israéliennes ont visé des étudiants et étudiantes à l’université. Ces étudiantes ont été arrêtées dans leurs maisons, tard dans la nuit, ont été emmenées dans des centres de détention et d’interrogation et certaines d’entre elles ont été exposées à de graves actes de torture et autres mauvais traitements. Cela les empêche d’accéder à leur droit de bénéficier d’une éducation. La majorité des étudiantes visées étaient accusées d’activisme au sein de leur université : cela ne criminalise pas seulement leur activisme étudiant mais constitue également une violation de leur droit de rassemblement et d’association pacifique.
- Mais Abu Ghosh, 23 ans
Mais, étudiante en quatrième année de journalisme à l’université de Birzeit, a été arrêtée le 29 août 2019 à l’occasion d’un raid à son domicile. La maison familiale de Mais a violemment été prise d’assaut par un grand nombre de soldats lourdement armés et escortés par des chiens de garde entraînés. Abu Ghosh a été transférée au centre d’interrogation al-Moscobiya où elle a subi des actes de torture psychologique et physique et des mauvais traitements graves durant environ un mois. Après cette période, Mais a été transférée à la prison de Damon et a reçu la liste de ses chefs d’accusation qui incluaient la participation à des activités universitaires et la coordination d’un camp d’été. Elle est toujours en attente de jugement.
- Samah Jaradat, 23 ans
Samah est diplômée de l’université de Birzeit en sociologie depuis l’été dernier. Elle a été arrêtée par les forces d’occupation en septembre 2019. Une unité de forces spéciales a effectué une descente chez elle tard dans la nuit et l’a arrêtée. Elle a été emmenée au centre d’interrogation al-Mascobiyya où elle a passé environ un mois avant d’être transférée à la prison de Damon. Durant les interrogatoires, Samah a été torturée et subi de mauvais traitements dont le maintien en positions douloureuses, des menaces envers les membres de sa famille, l’isolement en cellule, assisté aux interrogatoires et aux tortures des autres détenus. Jaradat a reçu une liste des chefs d’accusation dont son activisme au sein de l’université. Elle est détenue et en attente de jugement.
- Shatha Hassan, 20 ans
Shatha Hassan, étudiante à l’université de Birzeit, a été arrêtée le 12 décembre 2019. Des soldats ont fait irruption dans sa maison, pendant la nuit, et l’ont arrêtée. Trois jours après son arrestation, Shatha a été placée en détention administrative pour trois mois, jusqu’au 11 mars 2020. Cependant, sa détention administrative peut-être prolongée indéfiniment.
- Leen Awad, 22 ans
Leen Awad, étudiante à l’université Polytechnique palestinienne, a été arrêtée chez elle, à Bait Omar près d’Hébron, le 25 février 2020. Les forces d’occupation israéliennes ont effectué une descente de nuit, chez elle. Les soldats ont endommagé des objets et confisqué plusieurs ordinateurs portables et téléphones. Leen a été emmenée au centre de détention d’Etzion puis dans la prison d’Hasharon où elle a été interrogée à propos de son activisme à l’université. Le 3 mars 2020, la cour militaire israélienne d’Ofer a permis à Leen d’être placée en liberté conditionnelle, contre le versement d’une caution de 20 000 shekels payés par un tiers et une amende de 1 500 shekels.
Il est également important de mentionner que la détenue Bayan Azzam d’al-Ezarrya a été arrêtée le 11 mars 2017 et condamnée à 40 mois de prison. Bayan est étudiante à l’unversité Al Quds. Elle est considérée comme la plus "vieille" étudiante.
Torture et mauvais traitements contre les détenues
Lorsqu’elles sont emmenées dans des centres d’interrogation et de détention, les détenues palestiniennes se voient régulièrement refuser toute explication concernant leurs droits et la raison de leur arrestation. Souvent, on leur refuse la possibilité de consulter un avocat et elles passent plusieurs jours en interrogatoire, sous la torture et les mauvais traitements.
Les méthodes utilisées provoquent d’importantes souffrances physiques et mentales : l’isolement prolongé, la détention dans des conditions inhumaines, l’utilisation excessive de bandeaux et de menottes, la privation de sommeil, la privation de nourriture et d’eau pendant de longues périodes, l’interdiction d’accès aux sanitaires, l’interdiction d’accès aux douches ou à la possibilité de changer ses habits pour plusieurs jours ou semaines, le placement en positions douloureuses, les cris, les insultes et le harcèlement sexuel sont utilisés systématiquement.
L’année dernière, le cas de Mais Abu Ghosh a constitué l’un des cas les plus extrêmes de femmes détenues soumises à la torture et aux mauvais traitements. Mais a passé environ un mois au centre d’interrogation al-Moscobiya où elle a été victime de méthodes violentes de torture physique et psychologique.
Un autre cas a mentionné est celui d’Hiba al-Labadi, arrêtée le 20 août 2019 au checkpoint situé à la frontière entre la Jordanie et la Cisjordanie. Hiba a été transférée au centre d’interrogation Petah Tikva où elle a passé environ un mois à subir des interrogatoires. Al-Labadi a informé l’avocat d’Addameer, à l’occasion d’une visite, des conditions de détention qu’elle subissait. Cet avocat lui a rendu visite après qu’Hiba ait été interdite de voir un avocat durant 25 jours. Hiba a fait l’objet de longues sessions d’interrogatoires, de privation de sommeil, d’humiliation et de l’utilisation des membres de sa famille comme moyen de pression. Après la période d’interrogatoires, elle a fait l’objet d’un ordre de détention administrative de six mois sans charges ni procès. Elle a alors débuté une grève de la fin pour protester contre sa détention arbitraire. Elle a duré 40 jours et Hiba a extrêmement souffert durant cette période. Elle y a finalement mis fin lorsque les autorités israéliennes d’occupation ont décidé de la relâcher.
Le cas de la détenue Halima Khandaqji, arrêtée le 1er janvier 2020, est également à mentionner. Halima a informé l’avocat d’Addameer de ses conditions de détention durant sa période d’interrogatoires au centre al-Mascobiyya. Halima a fait l’objet de longues sessions d’interrogatoire, de mise en positions douloureuses, d’humiliation, et de la menace de l’arrestation de son fils de dix ans et de ses deux filles.
Les femmes en détention administrative
Il y a quatre Palestiniennes détenues dans les prisons israéliennes sous détention administrative. Elles le sont sans avoir fait l’objet d’accusations ni jugement. Elles sont en fait détenues sur la base de ce qui est appelé un « dossier secret » n’étant pas partagé avec elles ou leurs avocats.
La première d’entre elles est Shuruq al-Badan, de Bait Fajar près de Bethléem. Elle a été arrêtée le 15 juillet 2019 et a fait l’objet d’un ordre de détention administrative de six mois, qui a été renouvelé pour six mois supplémentaires. Ensuite, il y a Alaa’ Basir, originaire de Qalqilia, qui a été arrêtée le 24 juillet 2019. Elle a fait l’objet d’un ordre de détention administrative de quatre mois, qui a été renouvelé deux fois. Les forces d’occupation israéliennes ont également arrêté la journaliste Bushra al-Taweel le 11 décembre 2019 et l’ont placée en détention administrative. Enfin, l’étudiante Shatha Hassan a fait l’objet d’un ordre de détention administrative de trois mois.
Négligence médicale à l’égard des femmes détenues
Il y a huit détenues blessées et douze malades qui souffrent de négligence médicale de la part du Service Pénitentiaire Israélien. Les femmes détenues rendent constamment compte à l’avocat d’Addameer des négligences dont elles sont victimes. Elles informent l’avocat des traitements discriminatoires non-professionnels dont elles sont l’objet de la part des médecins et des infirmiers. Par exemple, certaines détenues ont affirmé qu’un docteur ou qu’un infirmier peut utiliser une même seringue pour plus qu’une détenue. Elles rendent aussi régulièrement compte du fait qu’elles ne reçoivent souvent pas leurs médicaments.
Par exemple, la détenue Israa Ja’abis souffre toujours des blessures et des brûlures provoquées lors de son arrestation. D’autre part, Ansam Shawahneh a informé l’avocat d’Addameer le mois dernier qu’elle souffrait d’importantes douleurs osseuses. Elle en a notifié à plusieurs reprises le médecin de la clinique de la prison mais n’a reçu que des décontractant musculaires. Après un certain temps, elle a été transférée à l’hôpital où plusieurs tests ont été réalisés et où elle a été diagnostiquée avec une inflammation des os et une carence en vitamines. Cependant, elle n’a toujours pas reçu de traitement adapté.
Il existe un nombre important de femmes détenues souffrant de tension artérielle, de diabète et d’autres maladies qui requièrent des soins médicaux adéquats constants.
Les femmes palestiniennes dans le contexte de la loi d’occupation
Israël est responsable de ses actions en territoires occupés, notamment des mauvais traitements infligés aux femmes durant leurs arrestations et leurs transferts.
L’article 12 de la recommandation générale 28 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes sur les obligations fondamentales des États parties stipule que :
Bien que soumis au droit international, les États exercent principalement une compétence territoriale. Les obligations des États parties s’appliquent toutefois sans discrimination aux citoyens et aux non-citoyens, y compris les réfugiés, les demandeurs d’asile, les travailleurs migrants et les apatrides, sur leur territoire ou sous leur contrôle effectif, même s’ils ne sont pas situés sur le territoire. Les États parties sont responsables de toutes leurs actions touchant aux droits humains, que les personnes concernées se trouvent ou non sur leur territoire.
De plus, l’article 3 de la quatrième convention de Genève (1949) interdit
les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants.
Cela arrive régulièrement aux femmes détenues, notamment pendant les transferts et les fouilles au corps. D’autre part, d’après le droit international humanitaire et les quatre conventions de Genèves et leurs protocoles additionnels, le pouvoir occupant est dans l’obligation de protéger les femmes détenues. Les autorités d’occupation israéliennes sont en fait obligées de garder les femmes détenues dans des lieux séparés des hommes, de maintenir une surveillance assurée par des femmes uniquement et de leur assurer une hygiène et des soins de santé de base. En plus de cela, les détenues sont, comme la majorité des détenus palestiniens, détenues dans le territoire palestinien historique et hors des territoires occupés.
Cela entre en contradiction directe avec les articles 49 et 76 de la quatrième Convention de Genève qui interdit le pouvoir occupant de déporter des personnes protégées, et notamment des détenus, des territoires occupés.
Les témoignages des femmes et filles palestiniennes soulignent la brutalité du processus d’arrestation ainsi que des conditions dans les centres d’interrogation, de détention et les prisons, et même dans les hôpitaux ou pendant les gardes à vue. Les abus, mauvais traitement et la torture des femmes et filles palestiniennes se déroulent dans le contexte de l’occupation à l’œuvre depuis plus de 50 ans et de l’annexion de territoires palestiniens.
Dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, les Etats parties soulignent que « l’élimination de l’apartheid, de toutes les formes de racisme, de discrimination raciale, de colonialisme, de néocolonialisme, d’agression, d’occupation et de domination étrangères et d’ingérence dans les affaires intérieures des États est indispensable à la pleine jouissance des droits de l’homme et de la femme. »